Quand le comte de Paris mendiait un trône à Hitler

Quand le comte de Paris mendiait un trône à Hitler Des documents pour servir l'histoire de l'orléanisme

L’absence de légitimité des Orléans dans la revendication de la couronne de France a conduit certains membres de cette branche cadette aux pires extrémités comme le montrent les deux documents publiés ici : quand le comte de Paris mendiait un trône à Hitler, c’était en échange de son soutien « pour établir en Europe un ordre nouveau.  »
On attend avec impatience le prince d’Orléans qui relèvera l’honneur de cette famille en se battant pour la restauration du roi légitime… [La Rédaction]

Le comte de Paris mendiant un trône à Hitler (19 février 1942)

Références du document

Ce premier document est tiré de revue Commentaire fondée par Raymond Aron, N°40, Hiver 1987-88, p. 774-775, article « De nécessaires réformes anticapitalistes (1942) ».

Le télégramme révélé et traduit par la revue Commentaire

Le document qui suit est extrait des archives allemandes de politique étrangère : Akten zur Deutschen Auswärtigen Politik, 1918-1945, série E, Bd. 1, n° 258. Il n’appelle pas de commentaire. Il a été traduit par nos soins. Il émane du Consul général d’Allemagne à Casablanca.

Télégramme 112/116 360-62
Casablanca, 19 février 1942 reçu le 20 février à 1 h 30.
Le Consul général Auer à Casablanca au ministère des Affaires étrangères.
Envoi confidentiel n°34, 19 février 1942.
 
 
À l’intention exclusive du ministre du Reich.

I. Le comte de Paris1, de la branche des Bourbons, prétendant au trône, m’a prié, par l’intermédiaire d’un diplomate espagnol, de lui accorder un entretien sans m’en dévoiler la teneur à l’avance. Cet entretien a eu lieu hier, sans témoin, près de Larache, la résidence de sa mère, dans la zone espagnole du Maroc. Il demanda que l’on fît part à M. le ministre des Affaires étrangères et au Führer de son désir de contribuer au rétablissement de la paix et à la reconstruction de l’Europe, et cela aussi dans l’intérêt de la France. Le moment était proche où la France chercherait une personnalité autour de laquelle tous les Français voudraient et pourraient se rassembler ; dans toutes les couches de la population française, l’idée monarchique était en train de s’implanter. Lui-même, le moment venu, serait en mesure d’offrir au Führer, par sa personne et par l’histoire de sa maison qui le liait au peuple français, les garanties pour l’avenir dont l’Allemagne elle aussi avait besoin de la part d’un peuple voisin de 40 millions d’habitants pour établir en Europe un ordre nouveau.

II. Le comte de Paris déclara que des questions de détail ne devaient en rien diminuer la portée de l’offre qu’il venait de faire. Dans le domaine social, il considérait les mesures de la politique intérieure du régime de Vichy comme une contrefaçon superficielle et allant à rencontre de l’esprit français. Il n’était toujours pas question en France des nécessaires réformes anticapitalistes. Le Führer avait montré le but et la France elle aussi devait l’atteindre pour garder sa place dans une Europe nouvelle, tout en n’empruntant pas des voies étrangères contraires à son esprit. Le communisme russe était l’ennemi public ; tous les autres intérêts devaient être subordonnés à la lutte pour le vaincre. La prétention anglaise à l’hégémonie était inconciliable avec une Europe nouvelle. L’Empire britannique ne faisait pas partie de l’Europe, mais l’Angleterre si. Tant qu’elle n’aurait pas la modestie de le reconnaître, il faudrait la combattre. Quant à l’Amérique, de toute façon, ses intérêts se séparaient des intérêts européens.

III. Au sujet des forces sur lesquelles il s’appuyait, il n’entra pas dans les détails. Il se contenta de dire en passant qu’il avait en 1937 désavoué l’Action française parce qu’il ne pouvait pas suivre leur programme en politique extérieure et intérieure. En Afrique du Nord, en France libre, en France occupée, il comptait d’innombrables partisans, tous conscients du grand passé de la France et qui cherchaient dans une royauté rétablie leur rétablissement national et moral.

IV. Au début de la guerre, il s’était porté engagé volontaire. Quand Daladier refusa de lever la loi qui lui interdisait de revenir2, il s’engagea dans la légion étrangère sous la nationalité suisse et participa comme simple soldat aux derniers combats à l’ouest de mai-juin. Après l’armistice3, en garnison à Aix-en-Provence, sa popularité auprès de la population avait tellement dérangé les autorités militaires locales qu’il avait été renvoyé d’urgence au Maroc espagnol.

V. Il dit qu’on le considère souvent comme anglophile ; mais il affirme que, depuis l’armistice, il n’a adressé la parole à aucun Anglais ou Américain bien qu’on l’en ait souvent prié à Tanger. Il a fait des remarques pertinentes, mais restant dans les limites du convenable, sur le général Noguès et d’autres fonctionnaires du Protectorat.

VI. Le comte de Paris a une allure fringante et sportive. Il a l’air intelligent, sérieux, modeste. Son expression révèle plus de ténacité que de force de caractère.

VII. Il souhaite une réponse à cette première démarche qu’il juge déterminante4. Se référer aux rapports Pol. 195 du 21 juillet et 210 du 30 juillet 1941 5.

Auer

Hitler commentant la démarche du comte de Paris (3 septembre 1942)

Références du document

Le second tome du livre Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix 6 consigne le jugement de Hitler sur les combines du comte de Paris.

Livre Libres propos :  Le soir du 3 septembre 1942, le Führer raille les avances d’Henri d’Orléans

Quand le comte de Paris mendiait un trône à Hitler


Se rappelant sans doute qu’autrefois les princes électeurs allemands se faisaient couronner par les Français, le prétendant français au trône s’est adressé à moi après l’armistice, me faisant savoir qu’il se conformerait en tout temps aux lois allemandes. Quel manque de caractère 7 !

La postérité des deux documents

Jean Foyer — avocat et ancien Garde des sceaux du Général de Gaulle — a utilisé la demande du comte de Paris, révélée par la revue Commentaire, dans sa plaidoirie pour défendre le jeune louis XX dans un procès que lui intentaient les Orléans. La plaidoirie de l’ancien ministre a été restituée intégralement dans la revue La Science Historique, printemps-été 1992, nouvelle série, n° 21, p. 18-46, puis publiée sur le site viveleroy.
L’historien et juriste Guy Augé a reproduit la réaction de Hitler — relevée dans Libres propos —, dans l’ouvrage Succession de France et règle de nationalité, Diffusion Université Culture, Paris, 1979, dont viveleroy a déjà publié les pages 127-141. On y retrouvera la citation assortie du commentaire de Guy Augé.
 

  1. Le prince Henri de Bourbon-Orléans. N.d.l.r. : Cette note et celles qui suivent émanent des éditeurs des archives allemandes.
  2. Conformément à la loi de bannissement des Princes du 22 juin 1886. Cf. Journal Officiel, lois et décrets du 23 juin 1886, p. 2805.
  3. Cf. Série D, vol. IX, document n° 523.
  4. Ainsi qu’il ressort d’un télégramme de Wœrmann daté du 25 février 1942 (5632/E 407 307), la réponse allemande contenait la mise en garde suivante : l’on avait pris acte de son offre, mais, dans les questions concernant la collaboration avec la France, on traitait exclusivement avec le maréchal Pétain et son gouvernement. II était en outre ordonné d’être réservé et sur ses gardes dans les rapports avec le comte de Paris. Cette mise en garde fut modifiée comme suit par le télégramme n° 24 (train spécial n° 218) de Rintel du 3 mars 1942 : Auer devait se contenter de répondre qu’il avait mis Berlin au courant de son entretien avec le comte, mais qu’il n’avait pas obtenu de réponse jusqu’alors.
  5. Ces deux rapports de juillet 1941 n’ont pas été retrouvés ; dans sa note du 21 février, Wœrmann dit qu’ils ne contenaient rien qui fût d’un grand intérêt.
  6. Référence complète : Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, tome 2, Flammarion, Paris, 1954, p. 317.
  7. Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix, tome 2, Flammarion, Paris, 1954, p. 317.
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