Le rituel édifiant des funérailles de l’Impératrice Zita Quand se révèle l'essence de la monarchie

Nous voudrions insister sur la symbolique de ce rituel qui rappelle aux souverains et à leurs peuples leurs devoirs, leur misère et leur espérance :

– Leurs devoirs, parce que, quel que soit notre état, nous sommes tous appelés à servir Dieu, nos frères et le bien commun.

– Leur misère et leur espérance, parce que nous sommes tous pécheurs, et qu’à notre mort, nous devrons humblement rendre des comptes à mesure de notre état et de notre zèle à servir. [La Rédaction]

Zita de Bourbon-Parme

Zita de Bourbon-Parme est née le 9 mai 1892 du mariage du duc Robert Ier de Parme (1848-1907) et de Maria Antónia (1852-1959), infante de Portugal, fille du Roi Michel Ier du Portugal. Le 21 octobre 1911, elle épouse le futur empereur d’Autriche et Roi de Hongrie, de Bohême, de Croatie et de Slavonie Charles Ier (1887-1922), lequel a été béatifié à Rome, le 3 octobre 2004.
Le 14 mars 1989, l’impératrice Zita remet son âme à Dieu. Les funérailles de cette femme très pieuse se déroulent le 1er avril à Vienne, conformément au rituel impérial.  

L’extraordinaire rituel des funérailles impériales

La vidéo de la cérémonie

Depuis plus de trois siècles, la crypte des Capucins, à Vienne, sert de sépulture à la famille impériale d’Autriche. Sous les yeux de la foule, le cortège funèbre arrive devant la porte du couvent des Capucins (un des ordres monastiques les plus pauvres).

 

   

La traduction de la cérémonie

Trois coups sont frappés à la porte fermée.

— Qui demande à entrer ?

— Zita,

  • impératrice d’Autriche,
  • reine apostolique de Hongrie,
  • reine de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, de Slavonie, de Galicie, de Lodomérie et d’Illyrie,
  • reine de Jérusalem,
  • archiduchesse d’Autriche,
  • grande-duchesse de Toscane et de Cracovie,
  • duchesse de Lorraine, de Salzbourg, de Styrie, de Carinthie, de Carniole et de Bucovine,
  • grande-princesse de Transylvanie,
  • margravine de Moravie,
  • duchesse de Haute et Basse Silésie, de Modène, de Parme, de Plaisance et de Guastalla, d’Auchwitz et de Zator, de Teschen, du Frioul, de Raguse et de Zara,
  • comtesse princière de Habsbourg et du Tyrol, de Kybourg, de Goritz et de Gradisca,
  • princesse de Trente et de Bressanone,
  • marquise de Haute et Basse-Lusace et en Istrie,
  • comtesse de Hohenems, de Feldkirch, Bregenz, Sonnenberg,
  • souveraine de Trieste, de Cattaro et de la Marche des Vendes,
  • grande voïvode de la Voïvodie de Serbie,
  • née princesse de Bourbon, princesse de Parme…

— Je ne la connais pas.  

Trois coup sont à nouveau donnés.

— Qui demande à entrer ?

— Sa Majesté Zita, impératrice d’Autriche, Reine Apostolique de Hongrie.

— Je ne la connais pas.  

Trois coups sont donnés.

— Qui demande à entrer ?

— Zita, une personne mortelle et pécheresse.

— Alors, tu peux entrer. La porte s’ouvre…  

Les leçons du rituel

Nul ne peut s’enorgueillir de son état ou de ses dons, car la seule chose qui importe est ce que nous en faisons. Comme nous sommes tous pécheurs et que personne ne peut accomplir ses devoirs à la perfection, c’est dans cet état misérable qu’au terme de notre vie, nous implorons la miséricorde du Créateur avec l’espérance que nos efforts auront compensé nos faiblesses. Imagine-t-on un instant pareil rituel pour les funérailles d’un président ? C’est impossible, car la République se fonde dans l’immanence et renie toute transcendance comme le reconnaît le philosophe Marcel Gauchet :

La république c’est le régime de la liberté humaine contre l’hétéronomie religieuse. Telle est sa définition véritablement philosophique1.

C’est en effet le propre de la monarchie de s’ancrer dans la transcendance, et l’historien du droit Guy Augé précise :

Qu’est-ce que la monarchie, en première approximation ? C’est, substantiellement, ce régime qui légitime son autorité sur une transcendance, sur la primauté du spirituel2.

De même — et dans le droit fil de la symbolique du rituel exposé dans cet article — le poète Pierre Ronsard (1524-1585) rappelle au roi sa mission de servir :

Or, Sire, pour autant que nul n’a le pouvoir
De châtier les rois qui font mal leur devoir.
Punissez-vous vous-même, afin que la Justice
De Dieu, qui est plus grand, vos fautes ne punisse.
Je dis ce puissant Dieu, dont l’empire est sans bout,
Qui de son trône assis, en la terre voit tout,
Et fait à chacun ses justices égales,
Autant aux Laboureurs, qu’aux personnes royales3.

 

  1. Marcel Gauchet, « La république aujourd’hui », La revue de l’inspection générale, n°1, Janvier 2004.
  2. Guy Augé, « Qu’est-ce que la monarchie ? », La Science Historique, printemps-été 1992.
  3. Pierre Ronsard, Annales poétiques ou Almanach des Muses, depuis l’origine de la poésie française, t.V, Ed. Delalain, Paris, 1778, p.249-252.
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